Shojo, les ingrédients de la romance – Quelques mangas à lire

J’étais en train de corriger la fin de Demon Heart, mon histoire très inspirée de manga que je compte classer en catégorie shojo. Mais  j’ai réalisé  que quelque chose manquait: les sentiments n’étaient pas au rendez-vous. o_O Dur pour quelqu’un qui veut devenir écrivain de romance avant tout!

Alors j’ai été voir ma copine de l’O-Taku Manga Lounge de Montreal, et je lui ai demandé quelques conseils pour me mettre à jour côté shojo. J’ai lu (ou relu) des classiques pour comprendre ce qui fait vibrer le petit cœur des jeunes filles et des femmes (et pas que)  ^_-

Voici mes modestes conclusions :

L’arc shojo, des serpents entremêlés :

Alors oui, comme toute histoire, le shojo, nous montre un personnage qui évolue conformément aux grandes théories. Selon Christopher Vogler, la structure de l’histoire obéit à un schéma circulaire : le héros est un personnage imparfait, qui a un but. Il passe par des épreuves et à force de volonté, il change et mérite enfin d’attendre son but puis revient au bercail transformé.

Mais c’est le même arc pour n’importe quelle histoire ! Et n’importe quel but : sauver le monde, devenir riche, etc. Alors, et les sentiments dans tout ça ? Trouver l’amour est un but comme un autre. Quelle est cette petite spécificité du shojo ou de la comédie romantique américaine qui nous fait vibrer ?

C’est la forme de l’intrigue.

Dans une histoire classique, l’intrigue a la forme d’une échelle avec une succession de montées de l’action et des chutes pour aboutir à un climax. L’arc shojo, lui, me fait penser au symbole du serment d’hypocrate : deux serpents enroulés autour d’une épée. L’héroïne et le héros se regardent ou se tournent le dos tour à tour avec cette épée qui les empêche de se toucher. Souvent cet obstacle infranchissable, ce n’est qu’une incompréhension car il leur manque toujours une clef. Ou c’est simplement la malchance qui les séparent: les quiproquos, les ex qui reviennent au mauvais moment, les accidents. C’est parfois aussi la faute de l’orgueil ou de la jalousie…

C’est ce chassé croisé entre l’espoir et le désespoir et toute la palette de sentiments qui vont avec qui nous fait vibrer. On suit ces personnages dont on ressent tour à tour, la frustration et la colère, la détresse et les larmes, la surprise et le bonheur.

Les techniques de base des mangakas

Les mangakas ont des techniques bien rôdées pour compliquer une histoire d’amour et l’empêcher d’aboutir au premier acte. Chacune des techniques ci-dessous a son rythme de révélations, d’espoirs et de déceptions, un processus pour faire naître les émotions :

Technique 1 : Le soleil et la lune (le triangle amoureux)

Il s’agit d’intégrer un troisième intervenant qui est tout aussi digne d’être aimé. Même s’il est souvent très différent du héros. Si l’un est timide et mystérieux, l’autre sera extraverti et ouvert, une autre forme de beauté. Il est si dur de choisir entre le soleil et la lune ! Mais il faudra bien que l’héroïne en choisisse un ! (la polygamie chez les filles n’est pas encore très bien acceptée ^^).

Les mécanismes à l’œuvre :

Le vrai choix. D’après Robert MacKee, c’est au moment où le personnage doit faire un choix que le lecteur se remet en question, cesse d’être spectateur et se projette dans cette vie imaginaire. C’est là qu’il empathise avec le personnage et partage ses émotions.

Mais choisir entre le bien et le mal, ce n’est pas un vrai choix. Il faut du dilemme : choisir entre deux irréconciliables biens ou deux maux aussi terribles. C’est ce que permet le triangle amoureux. L’apparition d’un troisième personnage, aussi digne d’être aimé que le héros va perturber l’héroïne. La question n’est pas : lequel j’aime vraiment ? La vrai question est : lequel vais-je blesser ?

Le rejet. On croit que ce garçon a ses chances. On apprend à le connaître, on entre dans sa tête, on ressent ses espoirs et sa souffrance. Tout simplement, on l’aime. Cela aurait pu être lui dans une autre vie. On souffre de le voir rejeté. Je pense que ce n’est pas la peine de chercher à tout prix à faire rencontrer le bonheur au garçon rejeté. Ce n’est pas uniquement la joie qu’on recherche en lisant des histoires d’amour, c’est aussi la souffrance. Mais si on veut vraiment le rendre heureux ce garçon, cela doit être avec une jeune fille qui s’est autant battu que les autres protagonistes, un personnage en 3 dimensions, qui est le héros de sa propre histoire.

Le mauvais timing. A force d’hésitation, l’héroïne risque de se rendre compte qu’elle aime vraiment le héros après l’avoir trahit avec un autre (et vice versa). Cela fait déjà naître la culpabilité et la douleur : le remord ou le regret. Et s’il lui a tourné le dos pour toujours : le désespoir.

Le challenge :
Pour elle : Prendre conscience qu’être heureux demande parfois un peu d’égoïsme.
Pour lui : Prendre conscience de ses sentiments
Pour le tierce intervenant : Conquérir l’héroïne en partant pas gagnant.

Les sentiments phare :
La peur de se tromper, la culpabilité, le remord, la révélation, la découverte.

Les variantes :
L’ajout d’une rivale digne de respect ou fragile que l’on ne veut pas blesser. On peut ajouter ici des éléments de sismance (à comparer avec bromance ^^)
Les mangas ont ici un avantage sur les films. Dans une série en plusieurs tomes, l’auteur a le temps d’inclure plusieurs triangles amoureux entremêlés.

Technique 2 : Le dur à cuire qui cache un cœur tendre ou l’orgueilleux qui refuse de s’engager

 Suite à une histoire douloureuse, par orgueil ou par méfiance, le héros refuse de se livrer ou de s’engager. Pourtant on y croit car on sait qu’au fond de lui, le héros a vraiment besoin de l’héroïne, il s’ouvrira peu à peu comme une fleur.

Les mécanismes à l’œuvre :

L’espoir. Comme diraient les 22 règles des Studios Pixar, on aime un personnage non pas pour ses réussites mais pour ses échecs. Ce type d’intrigue amoureuse joue sur les tentatives de l’héroïne pour conquérir le héros ou pour lui faire tomber le masque. L’héroïne investira du temps, de la patience et de la stratégie. Elle passera par une route semée d’espoirs et de découragements, où l’on percevra sa souffrance, l’envie de la voir triompher grandira.

Le scoring. On est un peu dans un jeu vidéo, là. Chaque petite attention du héros, chaque sourire, chaque progression est une grande victoire qui remplie l’héroïne de joie et nous avec. Une récompense pour l’effort accompli. Attention toutefois de garder la progression des récompenses et de les disséminer justement. Je vais pas parler de level design quand même (je garde ça pour l’arc shonen ^_-)

Le doute. Le héros en montre souvent peu sur lui. Il faut interpréter ses moindres faits et gestes. On est revenu à l’adolescence, quand un simple regard nous faisait croire au paradis. On s’émeut pour des petites choses.

La blessure qui se rouvre. Mais les hésitations du héros l’amèneront à deux doigts de perdre l’héroïne définitivement car souvent, lorsque le héros s’ouvre, il est trop tard. L’héroïne s’est découragée et lui a tourné le dos (avec le tierce intervenant ^-^). Mais c’est lorsque une personne se dévoile, qu’elle peut être blessée. Et c’est cette blessure dans le cœur du héros qui fera naître des sentiments dans le cœur de la lectrice.

Le challenge :
Pour lui : Choisir entre se protéger et le besoin d’amour
Pour elle : Choisir entre la facilité et le véritable amour

Les sentiments phare :
L’espoir, le désespoir, la satisfaction et la frustration.

Les variantes :

La femme de glace qui a peur de souffrir. C’est l’inverse du premier stéréotype : Suite à une histoire douloureuse, l’héroïne ne veut plus donner sa chance à personne. L’histoire montre un héros sincère, qui essaie encore et encore. Et c’est ses tentatives qui font qu’on en vient à l’aimer de tout notre cœur (tiens, ça me rappelle les films de Ben Stiller). Mais l’héroïne a attendu trop longtemps, le héros s’est détourné. C’est comme un couteau planté en plein cœur car elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même pour avoir raté sa chance.
Marche très bien avec un héros qui est aussi le meilleur ami de l’héroïne ^-^

Technique numéro 3 : Le Romeo interdit

C’est le thème des vraies tragédies, qui a bien fait ses preuves.

L’héroïne doit choisir entre deux êtres aimés : la famille et l’amant, entre l’honneur et le bonheur, etc. Elle doit aussi parfois surmonter de vrais murs, des prisons même. L’histoire nous montre un véritable amour, de ceux qu’on ne devrait jamais rompre mais le monde autour d’eux les obligent à se lâcher la main. C’est l’histoire de leur combat pour se retrouver.

Les mécanismes à l’œuvre :

La chute originelle. Dans ce type d’histoire, les héros n’ont pas besoin d’être imparfaits, ils n’ont pas besoin de se tromper. Ils peuvent être l’incarnation de la pureté et du bien. Et le bien doit triompher du mal. On veut qu’ils gagnent, qu’ils accèdent au bonheur. Mais surtout, qu’ils retrouvent ce qu’ils ont perdu. Souvent, ces histoires commencent par un amour simple et vrai, plein de roses qui éclosent et d’oiseaux qui pépient. Puis un voile tombe, et leur monde devient noir. Le choc est sévère, le désespoir, réel. L’espoir qu’on mettra dans chacun de leur combat est démultiplié par ce désir de les voir reconquérir ce paradis perdu auquel on a goûté.

La route semée d’embûches. Une seule chose est sure : L’amour se mérite. On les suivra dans leur quête. Au-delà de la douleur de la séparation, les obstacles apportent du défi et chaque victoire apporte son lot de récompenses que l’on savoure avec d’autant plus de plaisir.

L’affirmation. Quand il faut triompher de l’influence de nos parents, triompher de nos préjugés, triompher de la société. Savoir affirmer au monde qui on est et ce que l’on veut. Ces intrigues répondent aussi à un besoin très fort, surtout chez les ados : devenir indépendant. C’est un rituel de passage à l’âge adulte.

Le challenge :
Pour eux deux : abattre les murs (physiques ou psychologiques) qui les séparent. Mais aussi apprendre à s’accorder une confiance aveugle.

Les sentiments phare :
L’injustice et la colère, la peur et la certitude, la douceur et l’amertume.

Les variantes :
La peste du collège. Elle traîne souvent derrière elle une armée de fidèles admirateurs. Cela peut sembler trivial, mais lorsqu’on a 13 ans, affronter la moitié du collège c’est aussi angoissant que libérer un pays d’une tyrannie.

Le poids du passé. Un événement qui a eut lieu dans le passé pèse sur la conscience du héros et l’empêche d’être avec l’héroïne.

Mes shojos préférés, des références à lire…

Bien sûr, les meilleures histoires exploitent toutes les techniques et jouent avec les stéréotypes. Alors, en attendant de devenir écrivain de romances à succès, voici quelques shojos que j’ai a-dô-rés :

Strobe Edge: La base du « je t’aime moi non plus ». Les sentiments qui naissent peu à peu dans des cœurs naifs. Le double triangle amoureux, le poids du passé et un peu de bromance… Gros bonus, les personnages ne changent pas d’idée comme de chemise.

Peach Girl : La technique du Roméo interdit avec Sae, la peste qui sépare les couples. La douleur d’être rejetée sans savoir pourquoi. Avec bien sûr, un triangle amoureux avec deux héros masculins que l’on apprend à connaître. Le cœur déchiré entre deux amours. Et je trouve que pour une fois, l’héroïne fait le bon choix ^-^

hiromitsu kousukeNo Longer Heroine: L’auteur se glisse dans la tête de ses différents personnages pour nous faire ressentir leurs espoirs et leur détresse. Car chacun est le héros de sa propre histoire. Avec en prime un troisième intervenant (un soleil) qui resplendit <3 .

L-DK :Tout le contraire de no longer heroine. On ne sait jamais ce que pense le caid au cœur tendre, on est comme l’héroïne, surprise, inquiète, on doute, on espère. On redevient collégienne. Bon le manga s’essouffle vite à mon goût mais le procédé est intéressant.

inuyasha

Inu-yasha :Entre le caid au cœur tendre, le roméo et la rivale méritante. Un amour très fort à vaincre, une tâche presque insurmontable. Un héros placé en haut d’une montagne que l’on regarde de très loin mais qui est parfois si proche. Big bonus pour le sale caractère d’Inuyasha. Il m’a inspiré mon Sitry ^-^ de Demon Heart.

Fruits Basket : Le poids des traditions et des erreurs passées comme une malédiction qui vous sépare. Ce besoin de sauver l’autre avant même de songer à en être aimé. Oh ! cette scène entre Tohru et Kyo !!! (quoi ? j’ai volé la scène dans Demon heart ? chuut… =)

kuranosuke et les amarsPrincess Jellyfish : Aller au-delà des préjugés, s’affranchir des dictas de la société. Un héros aveuglant et une héroïne aveugle. Deux personnages qui ont du mal à comprendre leurs propres sentiments. Je sais pas pourquoi j’aime autant cette histoire… ><

Magie intérieure : La lune et le soleil, la peste et le poids du passé, avec en prime une douce sis’mance. L’histoire parle aussi de l’Ijime. La série se finit en 4 tomes. Une autre bonne raison de la lire ^-^

Nana : Une héroine qui fait les mauvais choix, qui ne peut s’en prendre qu’à elle-même quand son amour part à vau-l’eau. J’ai dû arrêter de regarder les animes, je souffrais trop. o_O

Allez la B.O., juste pour le plaisir:


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Auteur : Ghaan Ima

J’écris depuis 10 ans, j’ai des idées plein la tête d’univers de SFF inspirés de mangas : geeks, otakus, anarchistes sur les bords et un peu barrés.