Pitcher son histoire : Retour sur deux jours de speed dating

Le week-end du 20 mars avait lieu le Salon du livre de Paris rebaptisé avec beaucoup d’originalité : « Livre Paris ». De nombreux acteurs de l’édition ont profité que beaucoup d’auteurs et de lecteurs étaient réunis au même endroit pour faire de belles opérations. Deux ont retenu mon attention :

 J’y ai présenté deux livres :

  • Pour Mazarine: « Elo Mc2 et l’espion industriel » : une petite histoire geek entre science-fiction et romance contemporaine. Une vieille histoire inachevée qui me semblait cadrer avec leur ligne éditoriale.
  • Pour Amazon: « Mira, la Bataille de l’Eau », un roman d’anticipation à la japonaise avec des pouvoirs psy, le roman que je compte auto-publier très bientôt.

Amazon a annoncé les résultats le jour même et je n’ai pas été retenue. Mais d’après les retours de mes gentilles jurées, la qualité du pitch n’était pas en cause car l’histoire a plu, c’est mon style d’écriture sur le premier chapitre qui n’a pas fonctionné.

Pour Mazarine, je n’ai pas encore le retour mais je pense que le pitch a marché vu la réaction de l’éditrice à la fin – oui, c’est vrai, elles étaient gentilles avec tout le monde 😉 Tentez donc le Mazarine Book Day l’année prochaine, c’est que du positif ! Donc, dans ce cas, idem, si je ne suis pas sélectionnée, ce sera surtout à cause du style. J’ai ressorti un vieux truc des cartons et je n’ai pas eu le temps de le retravailler vraiment, juste de préparer le pitch. Pourquoi j’ai fait ce choix risqué ? Car je pense que le premier critère d’échec quand on envoie un manuscrit, ce n’est pas le style ou le fond, c’est la ligne éditoriale. J’ai donc préféré une histoire bancale mais qui pouvait coller à leurs attentes, qu’un projet abouti mais hors sujet qui leur aurait uniquement fait perdre leur temps.

Bref, à défaut d’avoir présenté un style digne du Goncourt, j’ai beaucoup appris sur l’art de pitcher son histoire et j’ai envie de partager cela avec vous. Mine de rien, surtout en tant qu’auteur indépendant, c’est important d’avoir un petit résumé accrocheur en poche pour chacun de ses romans passés et en cours. Je vais partager cela dans la suite de l’article mais d’abord ma grande découverte: j’ai compris qu’un pitch s’élabore selon l’architecture d’une pagode chinoise. 😉 Je vais vous expliquer tout ça ^-^

Unsplash / Pixabay

La fiche de Mazarine

Les éditions Mazarine nous ont distribué par mail une fiche pour nous préparer au grand jour. Je me suis arrachée les cheveux dessus pendant plus d’une soirée. En voici l’essence :

  1.  Quelques mots sur vous (200 signes)
  2. Votre pitch (une phrase d’accroche de votre histoire)
  3. Un petit résumé (300 signes)

 Je vous propose de vous livrer à un exercice après la lecture de cet article et de tenter de résumer votre parcours et votre livre en si peu de signes. Vous verrez, on a rien le temps de dire !

 Commençons par étudier le pitch.

 L’idée de cette phrase d’accroche est de trouver des idées fortes, qui vont placer directement le contexte et l’ambiance. Pour cela, faites une liste de mots clefs qui se rapportent à votre histoire, votre héros et au style du roman. N’hésitez pas à faire référence à une histoire existante, à un univers que tout le monde connaît, qui, en un mot, créera un flot d’information dans l’esprit de la personne qui vous écoute. Mais faites attention, il ne faut pas que votre histoire ait l’air d’un clone. Si vous écrivez une histoire à la fifty shade, ajoutez juste derrière le point d’originalité. Je sais pas moi, ça se passe en 2084 ?

 Bref, interpellez ! Il ne s’agit pas de tout dire, c’est impossible, il s’agit de placer le décor et d’éveiller la curiosité pour susciter des questions complémentaires.

 Dans un speed dating comme dans une rencontre fortuite, il est essentiel de commencer par là. Comment je peux être aussi sûre de moi ? Car j’ai fait l’erreur de ne pas le faire lors du speed dating Mazarine. Disons que j’étais stressée, j’ai attaqué avec l’histoire, le fond, la forme, tout, sauf le pitch, je me suis perdue dans les détails. Je voyais le visage de l’éditrice se fermer, jusqu’à ce que j’ai l’illumination et que je me rappelle de cette petite phrase à laquelle j’avais si longtemps réfléchi… J’ai lancé mon pitch et là, son regard s’est éclairé, car elle avait enfin compris où je voulais en venir.

 Et comme un exemple vaut mieux qu’un long discours, voici le pitch d’Elo Mc2 :

 « Elo Mc2 de son surnom, vogue d’aventures en romances dans un univers mêlant ceux de Ally MacBeal, James Bond et Big Bang Theory. »

 Voilà, j’ai placé les mots clefs : aventure et romance. J’ai posé le contexte de l’histoire avec des références fortes : 3 séries légendaires. J’ai attisé la curiosité en mêlant des extrêmes : Ally, James et Sheldon. La promesse est forte ! (encore faut-il être capable de la tenir mais ceci est une autre histoire… 😉

 Bref, si j’avais commencé par là, je n’aurais pas perdu trois minutes sur cinq et ramé pour éveiller l’intérêt de mon auditrice. Un intérêt que j’ai retrouvé en 5 secondes en prononçant cette petite phrase.

 Allez, à vos marques, prêt, pitchez !

^-^

 Parlons maintenant du petit résumé :

 Elle avait l’air jolie et simple, la demande de Mazarine sur leur fiche : un résumé de 300 signes. Mais quelles sueurs froides ! C’est ultra court ! Il ne s’agit plus d’un pitch mais d’un véritable résumé, et pourtant, n’allez pas croire que vous écrirez un synopsis. 300 signes, c’est trois lignes d’une page word police 12. Là encore, il faut donner uniquement les informations importantes mais dans un ordre chronologique qui fait ressentir l’enchaînement de l’histoire, avec un début, un milieu et un dilemme de fin.

Juste pour vous donner une idée, voici celui d’Elo Mc2. Loin d’être sans défaut bien sûr ! Mais il a le mérite de faire 300 signes et de donner un meilleur aperçu de l’histoire :

 « Elodie MacCain se prend pour un génie mais n’est que consultante. En audit, elle rencontre un brillant et bel ingénieur travaillant sur un prototype digne d’un récit de SF. Mais une organisation veut s’emparer de son secret. Après une course poursuite haletante, chacun devra choisir son camp. »

OK, c’est pas terrible, mais  en 300 signes, j’introduis le deuxième personnage, l’inciting incident, l’ennemi et la confrontation finale. Donc…

Maintenant, deuxième exercice, écrivez votre « résumé » et récitez-le de mémoire à voix haute. Vous verrez, on est loin des 5 minutes réglementaires. Si vous tenez une minute, c’est le bout du monde. De plus, au final, vous n’avez rien dit sur l’histoire… Bref, il vous faudra aussi préparer un véritable résumé d’une demi-page et préparer d’autres pitchs.

 La méthode de la pagode chinoise

 En substance, pour un speed dating ou un événement où vous ferez du réseautage, préparez votre histoire à la manière d’une pagode chinoise. Vous savez, ces temples dont le toit est en plusieurs couches évasées. Faites des résumés de plus en plus longs et précis.

 De plus, il vous faut préparer des pitchs par points de votre histoire, à la manière d’un flocon de neige. Par exemple, préparez un pitch de deux trois lignes sur chacun de vos personnages principaux, sur votre univers, sur cet « objet qui peut détruire le monde et dont tout le monde veut s’emparer ». Ainsi, à chaque question de votre interlocuteur, vous avez une réponse courte, claire et percutante à apporter.

 De même, sachez VOUS pitcher, selon la même méthode. Soyez capable de dire en une phrase qui vous êtes, avec des références fortes qui permettent de vous situer dans une tendance tout en identifiant votre originalité. Ensuite, soyez capable de détailler votre style d’écriture, votre univers. Identifiez chacune de vos réussites, les trophées qui traînent sur vos étagères pour être capable d’en parler, avec modestie, de façon factuelle mais tout de même. Ces réussites font partie de vous.

 Par exemple, dans mon cas je dis souvent : « Je suis une auteure indé de science fiction et fantasy inspirée de manga. »

 Mais pour le Mazarine book day, cela me semblait un peu faible et surtout hors de propos car le manga c’est pas vraiment leur ligne éditoriale, et l’écrivain indé, bah… J’ai donc réécrit mon pitch qui est devenu en 200 signes :

 « Perfectionniste qui se soigne, je sors enfin mes romans des cartons. J’ai autoédité l’histoire d’un Chat-Dragon adoré des bloggeuses et je viens d’être sélectionnée à un concours de nouvelles Geek. »

 Deux trophées, même si je tire un peu la corde, c’est déjà plus sexy. Bref, la modestie c’est bien, se valoriser un peu, c’est pas un crime.

 Le pourquoi du comment : le réseautage

 C’est l’essence de l’exercice du pitch. Si lors d’une remise des prix, d’un salon du livre ou ailleurs, vous vous heurtez par hasard à un éditeur ou, plus probable, une blogueuse, vous avez envie de faire bonne impression. Alors, présentez-vous bien, avec votre pitch perso, enfin, pas forcément aussi percutant que sur le papier ! On est dans une discussion quand même ;). Puis, lorsque qu’on vous demande de parler de votre histoire, essayez de sortir votre pitch, juste cette petite phrase qui tue, qui suscite la curiosité et appelle plus de questions. Ensuite, il faut pouvoir répondre aux questions précises de manière conçise et toujours intéressante, pour retenir votre interlocuteur. D’où la méthode préparatoire de la pagode chinoise.

 Dernière anecdote sur ces deux jours passés au salon du livre : Une amie m’a gentiment présentée à un éditeur qui voulait lancer une collection jeunesse. J’ai réfléchi à un vieux roman tiré des cartons qui pourrait coller et j’ai commencé à le présenter : comme un pied. Résultat : non seulement, l’histoire n’a pas plu mais j’ai un peu grillé la crédibilité de mon amie. Bref, j’aurais mieux fait de m’abstenir. Moralité et dernier conseil de l’article : un pitch, ça ne s’improvise pas, ça se travaille. Et il faut avoir un pitch de prêt pour chaque histoire en cours ! On ne sait jamais de quel projet il nous faudra parler lors d’un événement comme un salon ou une remise des prix. Car la clef n’est pas de raconter le roman parfait, c’est d’apprendre à connaître votre interlocuteur, comprendre ce qu’il recherche, de quoi il a besoin puis de le lui proposer. Faites parler l’autre avant de parler de vous.

 En conclusion :

 Finalement, comme l’a dit gentiment « mon » éditrice du jour, pitcher c’est le travail de l’éditeur, c’est ce qu’ils font tous les jours : pitcher aux diffuseurs, pitcher à la presse, pitcher à leur direction. Mais en tant qu’auteur indépendant, ou qu’auteur qui cherche à se vendre auprès des éditeurs lors d’un événement de réseautage, il faut un peu apprendre leur métier !

Pour aller plus loin, l’article de cet un excellent blog: Commentfaireunfilm.com.

et la vidéo de Mazarine ^-^ Faites-le l’année prochaine!

Bonne chance à vous dans vos projets !


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Auteur : Ghaan Ima

J’écris depuis 10 ans, j’ai des idées plein la tête d’univers de SFF inspirés de mangas : geeks, otakus, anarchistes sur les bords et un peu barrés.

    • Oui, et j’ai oublié de préciser qu’il faut aussi très bien soigner ses 10 premières lignes de son premier chapitre.
      Je viens d’avoir un retour d’un de mes jurés Amazon, à priori, c’est le tout début qui a tout cassé…
      J’avais laissé un effet de style qui datait de la première version du document. Et comme dirait stephen king, il faut savoir « tuer ses chéries ».
      Snif! enfin bon ^-^ un super exercice quand même, si tu as l’occasion un jour, tente ^-^
      merci d’être passé !

  • Houlala, c’est compliqué cette affaire ! Moi qui ai le talent d’architecte d’Amonbofils, c’est pas gagné pour la conception de la pagode chinoise ! Lol . Il va falloir que je m’entraîne à « pitcher » , ça n’a rien d’évident. Merci pour ton retour, très intéressant et qui donne à réfléchir. Et je confirme, l’entame d’un roman, c’est fondamental pour un éditeur, comme pour beaucoup de lecteurs d’ailleurs.

    • MDR!
      oui, c’est vrai ^-^ je suis capable de refermer un livre en 5 secondes et je me permets de faire des débuts pourris. On apprend dans la douleur 😉
      Tiens j’ai une envie de me regarder Astérix et Cléopatre…

  • Heu c’est moi l’amie ? Parce que je me souviens de t’avoir présenté à u éditeur mais alors ça réaction, je me souviens plus que cela ait été une catastrophe .

    • Oh si je me suis sentie trop mal!! C’était super gentil de ta part mais je nous ai fait passer pour des truffes. Je suis désolée, c’était vraiment minable et j’ai vu dans son regard qu’il a pas compris pourquoi je me retrouvais en face de lui. J’ai peur que si tu essaies de lui présenter une autre amie, il se sauve. Bon, il a peut être oublié aussitôt, c’est vrai je dramatise (c’est mon côté parano) mais c’est comme quand on me pistonne pour un boulot et que je foire l’entretien. C’est pour ça que je préfère maintenant qu’on me recommande jamais. Comme ça si je me plante, je me sens pas mal pour la personne qui a essayé de m’aider. Mais c’était très gentil de ta part d’avoir essayé de m’aider ^-^

    • T’inquiète de toute manière je ne compte pas forcément lui présenter d’autres personnes. Là c’était l’occasion vu qu’il était sur place. Et puis t’inquiète pas pour moi, mon contrat est signé 🙂

  • Et tu as eu un retour du Mazarine depuis ?
    J’avoue avoir participé et être dans le flou complet depuis. Comme tu le dis ils étaient hyper bienveillants, ça encourage mais ca n’éclaire pas bcp. Un ami a recu une lettre de refus et elle était hyper argumenté. c’est cool. Ca donnera des pistes pour la suite.
    Bonne chance à toi ! Je vais regarder l’auto édition je connais pas du tout…

    • Non pas encore! ×_× C’est vraiment cool qu’ils envoient des lettres argumentées! Comme je compte sortir l’histoire en auto édition si ils me disent non, je n’aurais rien perdu!
      Oui l’auto édition, c’est bien pour s’entraîner, trouver des amis qui aiment ce que l’on fait, mais c’est beaucoup de travail (et d’investissement) pour sortir un bon libre et c’est très difficile de se faire connaître (le marketing, c’est un métier!). Mais franchement, avoir enfin son livre en vrai, rencontrer des lectrices qui aiment ce que tu fais, même s’il y en a peu, c’est un grand bonheur! En plus, tes premiers lecteurs t’aident à progresser, moins vite qu’un éditeur mais quand même, les feedbacks, c’est précieux!

      Bonne chance à toi! Je croise les doigts ! ^-^

  • Merci. Bonne chance à toi aussi !
    Pour te lire, il faut aller où ? Je suis curieuse… Je m’appelle Elodie… et je suis consultante en audit 🙂

    • Ah! Un peu comme moi 😉
      J’ai un livre sur amazon, les larmes du dragon, de la jeunesse. Mais dans la catégorie roman de mon site il y a des liens vers diverses nouvelles. Mon histoire de romance SF sort le premier mai sinon 😉
      le lien vers l’événement est là:
      https://www.facebook.com/events/135112716887146/
      et toi? Tu peux mettre le lien vers ton site ^-^

    • C’est mon premier roman. Une sorte de coming out 🙂 J’écris depuis toujours mais je ne finissais rien… je me consacrais à ma vie trépidante en finance en me disant que je n’avais pas le temps mais j’avais seulement peur de manquer de talent 🙁
      Bref… pas de site mais je vais commencer à regarder car je l’ai fait lire à quelques personnes et ils aiment beaucoup et tu as raison c’est le plus important !
      Je regarde ton lien, je vais lire ton premier chapitre ce soir.

  • J’ai lu ton chapitre. Top ! J avoue que je ne suis pas portée sur la romance SF donc je ne serai pas un tres bon critique 🙂 mais je pouvais fermer les yeux et me visualiser, j etais le personnage principal, la nanny et c est ca le plus important. Tu as deja lu la nuit des temps de Barjavel ? C est plus de la littérature classique mais ca peut etre interessant vu que c’est assez futuriste et novateur. Un de mes romans d’amour préférés je crois.
    Toujours pas de nouvelles de mazarine de mon côte, entre les vacances et les ponts de mai… je pense que ca va etre encore long.

    Encore bonne chance et merci pour ce moment de lecture !

    Si un jour je veux me lancer dans l’auto édition, pourrais-je me permettre de te contacter via Facebook pour quelques tips ?

    • Oh! bien sûr n’hésite pas! c’est ghaan ima mon compte facebook (cheveux rouges ^-^)
      merci beaucoup! J’ai lu Merlin et Ravages de Barjavel et sa mentalité m’a agacée même si sa plume et magnifique. J’avais arrêté là.
      Mais si tu le dis, je vais lire « La nuit des Temps ». Merci beaucoup pour les conseils!