Ayez ! Le challenge 10 nouvelles en un été est fini! Bon, il a commencé en mai et s’est fini en octobre, l’été d’un étudiant en lettre ;). Mais toujours, 10 textes en trois mois! A ce stade, le plus dur n’est pas d’écrire. Non, la difficulté, c’est la créativité sur commande. C’est de cela que je voudrais vous parler. Voici le plan de bataille:
- Cesser de vous mettre la pression, il n’y a pas de mauvaises idées et il n’y a pas de bonnes idées non plus
- Mais si rien ne vient, que faire ? Les deux cas: créativité sous contrainte ou créativité qui vient des tripes
- Et enfin, comment soigner Muse, faire taire la méchante voix et écouter celle qui n’ose pas hurler
Etape 1 : Cesser de vous mettre la pression, il n’y a pas de mauvaises idées et il n’y a pas de bonnes idées non plus
Vous avez déjà dû vous dire : « non, cette idée est bateau, cette autre est trop intime, elle n’intéressera personne d’autre que moi… » Et mille autre raisons qui vous poussent à rejeter vos idées ou à changer de projet en cours de route. Alors, comment pouvoir être sûr de son coup, se lancer et assurer ?
Déjà, si votre idée ne vous semble pas très intéressante, c’est peut-être qu’elle n’a pas franchi la première étape : passer de l’idée aux vrais prémices d’histoire. Il faut juste lui donner une tournure. Un « et si ? » ne fait pas une histoire, c’est un thème. Et un thème doit être développé. Par exemple, et n’importe lequel ferait l’affaire, le dernier téléfilm que j’ai vu sur M6. L’histoire d’une fille qui fait du patin à glace, j’ai regardé jusqu’au bout… sérieux ? Pourquoi. Car je voulais savoir si elle choisirait son petit copain ou le patin. Et puis j’aimais cette Amérique du Nord bien froide qui me rappelait Montréal. Bref, une idée bateau bien exploitée.
L’idée donc ne vaut rien seule. Il faut ensuite trouver l’univers qui permettra d’incarner le thème. Puis les personnages qui le rendront vivant et pour cela, ils doivent avoir chacun leurs propres désirs et besoins mais surtout un conflit intérieur fort qui se développe au sein de ce « et si ? ». C’est cela le vrai thème au final. C’est là que l’idée s’arrête et que commence le travail. La meilleure des idées si elle n’est pas abordée sous l’angle des personnages et de leurs contradictions ne donnera qu’une histoire sans vie, un zombie de roman. De même, une idée rabâchée mille fois depuis dix ans, si elle est abordée avec sérieux et profondeur marchera toujours autant car ces conflits existentiels sont la nourriture de l’âme.
Il m’a fallu du temps pour comprendre cela : une fois que l’idée est trouvée, il faut taffer. Avant d’écrire, en amont, taffer encore et encore : fiche univers, fiches personnages, backstory, conflits, effet émotionnel, etc. Après l’écriture aussi bien sûr, il faut travailler, mais surtout avant. Lors de mes derniers challenges, le temps d’élaboration de l’idée, la recherche amont était plus longue que la rédaction proprement dite (et la correction, on en parle même pas… je sais, c’est pas bien !)
Alors, faites moi plaisir, si vous doutez de votre idée, contentez vous de la bosser ^-^. Une méthode simplifiée pour vous gagner en efficacité dans la préparation et l’écriture: «La technique du jeté de chat dans l’eau» 😉
Etape 2 : Mais si rien ne vient, que faire ?
Vous avez déjà été à sec? Mais vraiment à sec? OK. Il existe des astuces pour rouvrir le robinet et faire en sorte que les idées ne manquent jamais.
Premier cas: un concours avec thème imposé. Parfait !
Laissez-moi vous parler de cette période de fin aout. J’étais à moins de 2 semaines de la dead line pour deux concours et pas d’idées… Là le problème était purement la créativité. Dans les embouteillages un jour de retour de vacances (pas le mien, celui de tous les autres parisiens), j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de profiter de ces deux heures de bouchon pour trouver mes idées.
Voici comment les choses se sont passées dans ma tête et la méthode «d’entonnoir mécanique» que je vous propose :
- Restreindre le champ des possibles.
Contrairement à ce que l’on croit, trop de choix tue le choix. C’est la contrainte qui guidera votre créativité, comme le grain de sable permet à l’huitre de le recouvrir de nacre et de créer une perle. C’est d’ailleurs le principe de base de tous les exercices de l’Oulipo. Par exemple, des quatre thèmes du concours aufeminin.com j’en ai dégagé 3 et j’ai gardé : « Tout à commencer sur snapchat »
Parce que snapchat c’est cool ! Ok raison de merde. La vraie bonne raison c’est que toutes les filles qui ont une nouvelle super travaillée dans les cartons pourront pas rentrer dans cette catégorie 😉 pensez stratégie aussi!
- Prendre le thème et le décortiquer comme on le fait au bac philo :
Ex. pour le concours aufeminin:
Qu’est ce qui peut « commencer »? Une nouvelle vie, un nouveau travail, une relation amoureuse, un projet, une entreprise, une série télé, une invasion extraterrestre, le jour Z, les emmerdes… Qu’implique le « tout »? Du grand, des ramifications multiples… Enfin, « snapchat », c’est quoi? Photo vidéo, intimité, instantanéité…
- L’étape de brainstorming
Il s’agit de jeter les idées sur le papier et de tout poser, on fera le tri plus tard. Vous n’êtes pas obligés de vous droguer mais ça aide ! (oh ! oO LOL quoi !)
Dans mon cas, ce fut vite fait. J’étais en voiture et je ne croyais pas trop au concours aufemimin et à la micro nouvelle suite à mon échec lamentable l’année précédente. Donc je suis arrivée avec deux idées :
- La femme qui trouve enfin l’amour
- Le stalker rencontré sur les réseaux sociaux (Je veux me mettre à Youtube mais j’ai peur de montrer ma tête en vidéo! Pas vous ?)
4. L’étape d’épuration
On sélectionne les meilleures idées et surtout on transforme ses idées et on les fusionne pour les fortifier. Ex. avec mon concours:
- Et si les emmerdes et le grand amour commençaient en même temps ?
- Et si le stalker n’était pas celui qu’on croit ?
Et voilà une idée de nouvelle à chute ! (J’avais étudié un minimum les attentes du jury ! Voir cet article : Comment maximiser ses chances dans un concours de nouvelles)
Au final, ma nouvelle Rendez vous dans l’ombre a fait partie des 24 short listées sur 800 mais elle n’est pas arrivée en finale top 3. À ce stade je pouvais demander le retour du jury. On m’a indiqué que le texte avait plu pour sa modernité, que certains l’avait évoqué pour monter sur le podium mais certains ont argué :
- Que la nouvelle manquait de détails. Mea culpa, la moitié du texte est une réminiscence et j’ai commencé la narration au passé, donc la moitié du texte est… Au plus que parfait ! Bref j’aurai pu gagner 500 signes et alléger le style en partant au présent.
- Que le thème était un peu cliché. Euh… ouais, je suis partie d’un cliché lol. Bon le brainstorming n’a pas duré assez longtemps 😉
Exemple 2 : Le concours Femmes actuelles extra jeu.
Ici, aucun thème imposé… My god ! Aucun thème ! Et ma contrainte ? Et mon grain de sable à recouvrir de nacre ? J’ai senti les parois de ma coquille de petite huitre trembler. J’étais là à regarder le paysage et à me demander quoi faire…
Alors je me suis posé toute seule la pire contrainte qui soit : faire une nouvelle qui finit bien. Un truc optimiste, drôle, agréable à lire (de la romance quoi !). Pourquoi ? Parce que Femme actuelle extra jeu. OK, j’ai des préjugés sur le lectorat. Mais bon ça fait toujours pas le grain de sable. N’importe quoi vite, vite : « Oh ! un arc en ciel ! Je passe pas loin de son pied, mais y’a pas un trésor au pied des arcs en ciel ? Tiens, et si mon héroïne cherchait un trésor ? Mais pourquoi ? »
Bon je vous refais pas le dialogue intérieur mais de fil en aiguille, à partir du germe, des contraintes, des «et si» et des pourquoi, l’histoire est venue. De façon un peu moins organisée, certes. Celle-ci a perdue mais elle a plu à ses bêta lecteurs au moins ^-^.
Deuxième cas: Pas de thème imposé par un appel à texte
Alors, il faut aller chercher le thème en vous. C’est le plus compliqué car on a souvent du mal à s’accepter en tant que personne, alors en tant qu’artiste, c’est pire… Et bien je vous propose une méthode simple intitulée: «Mettez vos tripes sur la table bordel!»
- Qu’aimez-vous lire ? Quoi et pourquoi ? Qu’est ce que cela vous procure intellectuellement et… au fond de vous
- Quels personnages de fictions ou historiques vous ont impressionnés ? Quels univers vous transportent? Quelles intrigues vous ont plu ? On dit que les plus grands s’appuient sur les épaules des géants qui les ont précédés. Il n’y a pas de mal à s’inspirer tant qu’on ajoute une étincelle qui nous est propre et que vous trouverez avec les deux étapes suivantes:
- Dans la vie, qu’est-ce qui vous révolte ? Qu’est-ce qui vous fascine ? Quels univers/personnages/situations peuvent métaphoriquement retranscrire cela ?
- Qu’avez vous vu/entendu/vécu qui vous a marqué/blessé/choqué/changé à jamais pour le meilleur et pour le pire?
Une fois cette opération chirurgicale effectuée, demandez-vous donc comment mélanger le loup de twilight qui perd son meilleur ami, le tout dans un univers qui illustre le problème du racisme ? Plop! (c’est le bruit du prémisse d’histoire qui apparait) Maintenant, il n’y aura plus qu’à reprendre les étapes du cas n°1 et… taffer taffer taffer taffer…
Étape 3: Soigner Muse, faire taire la méchante voix et écouter celle qui n’ose pas hurler
Je vais dire le truc bateau mais l’inspiration est partout. Ça va de l’anodin à la grande douleur :
« Tiens ! Un arc en ciel ? Il paraît qu’il y a des trésors au pied des arcs en ciel… » Vous connaissez la suite.
Dans un autre registre : « Mon dieu… j’en peux plus de voir ma mère dans cet état ! Pourquoi je peux pas être là avec elle et me bander les yeux! » Et ça, ça donne mon dernier texte pour la revue des techniques de l’ingénieur, écrit en écriture automatique.
Désolée pour l’info un peu glauque, mais je pense vraiment que l’inspiration est pour moitié des « et si ? » imbriqués et pour moitié une émotion violente que l’on cherche à mettre en métaphore pour la canaliser. Parfois les personnages ou l’intrigue viennent avant même les prémices. Il faut juste cesser de museler sa muse, cesser de faire taire cette petite voix qui a besoin de s’exprimer mais qui a peur de mal faire. Je ne peux pas garantir que ces textes et les vôtres vont gagner mais au moins ils sont écrits en quelques jours. « J’ai produit », plutôt que de tergiverser et de me morfondre. Le principal ennemi de l’écrivain c’est le manque de confiance en soi… Je l’ai assez vécu. Ce challenge, c’était avant tout pour me guérir la muse.
Car si vous manquez d’idées ou si vous abandonnez vos meilleures idées en cours de route, c’est que Muse est blessée par cette voix en vous qui vous critique sans cesse. Alors, soignez-la, en écrivant des lettres fictives à ceux qui vous ont blessé mais aussi à ceux qui vous ont toujours soutenu ou inspiré. Et surtout, écrivez dans un carnet, tous les matins au réveil, notez n’importe quoi, parlez, sans jamais vous juger (ce sont les «pages du matin» de Julia Cameron, lisez l’article sur sa méthode). Accordez vous aussi des «rendez-vous avec l’artiste» chaque semaine, ces moments pour vous ressourcer, au musée, dans un concert. Cela a marché pour moi. J’ai plus d’une idée d’histoire par jour maintenant et quand j’en sélectionne une, je vais jusqu’au bout.
Je n’ai plus qu’une chose à dire, qu’une chose en laquelle je crois et que je voudrais transmettre: Ne vous posez JAMAIS la question de la qualité de vos idées. Car certaines choses n’ont pas de valeur pour la simple raison que leur importance est ailleurs. Le brainstorming oui, le travail, surtout. Vous pouvez remettre en cause une idée dans la forme et le fond, mais une fois que l’une d’elle vous branche, ne vous remettez JAMAIS en cause. Muse est un enfant de verre, elle est fragile et vous aussi à travers elle. Une seule chose est sûre et doit vous porter face aux doutes: Personne d’autre ne pourra écrire l’histoire qui est en vous, pas de cette façon-là. Votre voix, c’est votre cri du cœur, il est unique et mérite d’être entendu. Et vous DEVEZ l’écrire, car sinon, il sera perdu à jamais pour l’humanité…
Donc, bonne chance à vous dans vos projets et ne lâchez rien!!! ^-^
Voilà pour ce retour d’expérience! Dites moi ce que vous en pensez en commentaire, et si vous avez des choses à partager…
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