Toujours dans ma tentative de devenir écrivain, je me fixe des petits défis. Je travaillais sur Taya, un personnage secondaire de Ghola, une fille de caractère dans une histoire où je voulais donner de l’importance aux hommes (pour une fois ^-^). Pour travailler, je suis partie de cette petite phrase de Christopher Vogler dans the Writer’s Journey:
« Chacun est le héros de sa propre histoire. »
En passant, je n’ai vraiment compris son conseil qu’en lisant la fin de ce shojo :
Donc, Taya était bien le genre de fille à vouloir être le héros de sa propre histoire. Alors j’ai passé des jours et des jours à comprendre les motivations de Taya, à imaginer comment elle pourrait se comporter face au héros et à ceux qui décident autour d’elle. Je suis bien arrivée à quelques idées que j’ai jetées sur le papier. Mais lorsque est arrivée le moment d’écrire une petite scène secondaire, Taya m’a surprise. Ce que je pensais n’être qu’une escarmouche de gamin, a transformé le fil de l’histoire. Car Taya est intelligente, elle a très bien compris ce qu’on lui cachait. Et Taya est courageuse, elle a décidé d’agir.
Tout ça en une phrase de dialogue surgie du clavier et que je n’avais pas prévue.
Car j’étais incapable de le deviner tant que je n’étais pas dans la peau de Taya, tant que le processus d’écriture n’était pas enclenché, tant que je n’étais pas dans cette transe étrange, qui nous rend un peu schizophrène avec un bout de cerveau dédié à chaque personnage.
Méthode d’écriture : To plot AND not to plot, bref, REplot
Pour ceux qui ont mangé des methodes d’écriture en anglais, vous saurez que « plot » est le mot magique qui signifie « intrigue », mais aussi « bâtir une intrigue ». De nombreux grands penseurs, principalement hollywoodiens, ont leur méthode.
La méthode de Syd Field: (pas de lien, le livre n’en vaut pas la peine):
à ¼ de l’histoire, un point pivot déclenche d’action (de préférence une course poursuite pour retrouver l’objet qui sert à rien mais qui va changer le monde)
à ½ de l’histoire, c’est le point de non retour, le héros s’est engagé à accomplir sa quête et il ne peut plus revenir en arrière. De part et d’autre du point de non retour, des scènes fortes pour relancer l’action.
aux ¾ de l’histoire, un nouveau point pivot propulsant sur le dénouement tout en feux d’artifices.
Mouais.
Et à droite à gauche, on va lire des théories avec des courbes sur la montée de la tension dramatique, des conseils sur le rythme, véritables algorithmes du succès. Au passage, Vladimir Propp, dans Morphologie du conte, a réussi à transformer les contes de fées en équation.
Lisant tout ça, j’ai essayé de poser plusieurs histoires sur le papier, et avec mon passif de matheuse, c’est vite devenir plus compliquée que la théorie des cordes. Je n’ai fini aucune de ces histoires. Pire, je les ai sabotées.
La méthode de Christopher Vogler dans the Writer’s Journey: (lien en anglais, la version française est mauvaise):
Pour Vogler, toutes les histoires viennent des mythes et portent une puissance métaphorique de la vie humaine. Et tous les grands mythes sont bâtis sur le même modèle. Sa méthode du plotage est plus intelligente. On ne bâtit plus son intrigue sur une droite mais sur un beau cercle qui représente le voyage du héros en 12 étapes. L’incident déclencheur devient l’appel à l’aventure, le premier pivot devient le franchissement du seuil, le point de non retour devient l’ordeal… Dans sa quête, le héros est accompagné d’alliés (mentors…) et affronte des ennemis (gardien du seuil, ombre…). Ce sont des archétypes.
Je ferais un article plus long bientôt (inscris-toi pour être informé), car sa méthode est un très bon filtre pour passer toutes les scènes et les personnages potentiels par l’entonnoir du bainstorming.
La méthode de Robert McKee dans Story:
McKee, que j’aime et que j’adore, nous dit qu’il n’y a pas de squelette à suivre, juste des actes, des séquences et des scènes dans lesquels il faut savoir surprendre et eveiller des émotions comme un chef d’orchestre fait monter la tension avec des violons. Lorsque on bâtit l’intrigue, chaque phrase de notre synopsis doit être un retournement de situation et doit ouvrir un gap entre les attentes du héros et la réalité des réactions des personnages et de l’univers. Mc Kee nous interdit de commencer à écrire une histoire si on n’en a pas décidé des moindres détails, examiné le passé et le futur, les motivations intérieures profondes de nos personnages et de la société.
Alors McKee, que j’aime et que j’adore, dis moi :
Comment faire pour prédire comment mon personnage va réagir si je ne suis pas POUR DE VRAI dans sa tête, en train de voir le monde par ses yeux, de ressentir du plus profond de mon cœur, la colère ou l’amour, la peur et le désir?
Désolé, mais je ne peut pas ploter en avance l’histoire parfaite et m’y tenir. Peut-être parce que je ne suis pas assez douée, ou pas assez sérieuse ou peut-être aussi parce que le processus d’écriture n’est pas aussi simple.
Je crois vraiment, comme le dit Stephen King, dans Mémoires d’un métier, que le seul moment où je suis vraiment DANS mon personnage est quand mes doigts écrivent par eux même, seconde après seconde, ce qui se passe autour de moi et dans mon coeur, quand je ne fais plus qu’un avec mon personnage, lorsque je lui dédie un bout de mon cerveau. Car même lorsque je suis dans mon lit en demi sommeil en train d’imaginer une scène (pour l’oublier le lendemain matin, soit dit en passant), je n’arrive pas à prédire avec certitude comment mon perso réagira. Au moment d’écrire, il me surprend, certes, pas toujours mais très souvent. Il arrive même qu’il trouve tout seul la solution à un problème insoluble qui a bloqué longtemps l’étape de plotage.
Et que devient alors ma belle intrigue aux engrenages lisses et bien huilés ? Elle ne tourne plus.
Il faut tout réécrire.
Alors, tu me diras, je n’ai qu’à suivre la méthode du King une bonne fois pour toutes, et ne pas m’embarrasser d’intrigue, simplement déterrer le fossile qu’est une idée, un embryon d’histoire. Mais cela ne marche pas non plus. Parce que mon personnage va commencer à tourner en rond, parce que lui-même, ne peut pas en même temps agir et en même temps savoir ce que les autres personnages pensent et veulent au même moment. Surtout s’ils ne sont pas dans la pièce.
C’est à moi de le faire pour lui. Je n’ai qu’à tout reploter. Jusqu’à la prochaine fois où un personage me regardera droit dans les yeux et me dira:
– Tu t’es planté sur moi. Alors note bien ce que je vais faire maintenant, et recommence ton travail de fourmi. Encore et encore. Replot.
Je commence à me dire que devenir écrivain, i.e. raconter une histoire qui tienne la route, ce n’est pas une tâche facile.
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