Exercice d’écriture, Décor: Le château de Chantilly part 1

Voici la nouvelle rubrique / exercice d’écriture que j’inaugure : Les décors

L’idée est simple, depuis longtemps on me parle d’un merveilleux exercice d’écriture dont le principe est le suivant: se coller sur un banc avec son carnet de notes comme un étudiant des beaux arts gribouille son carnet de croquis. Je n’avais jamais eu le courage de le faire jusqu’à ce que mon appareil photo affiche 5% de batterie au début de ma visite du magnifique château de Chantilly. Damned!

Donc, plus le choix, je me suis lancée, j’ai sorti le carnet et j’ai gratté 27 pages recto verso. oO

Revenue à la maison avec mon carnet dont les pages se sont gondolées sous la pluie,  je me dis : c’est bien gentil cet exercice d’écriture mais à quoi bon gratter autant si je ne m’en ressers jamais ? Alors, j’ai décidé de taper mes notes pour les réintégrer par la suite dans une nouvelle à la mode 19ème, i.e. pleine de descriptions. Trois heures de tapage plus tard (alors que je ne suis même pas encore entrée dans le château, argh!), je me dis : mais à quoi bon bosser autant si je m’en ressers qu’une fois ?

J’ai décidé de mettre ces descriptions brutes en ligne, en creative commons, la licence la plus libre qui soit.

CC auteur seulLes pictos signifient que vous pouvez réutiliser tout ou partie du texte qui va suivre, le modifier, le vendre, bref, vous en servir afin que je n’ai pas bossé pour rien. La seule chose qu’il vous faudra faire avec cette licence si vous utilisez ce texte, c’est de me citer dans les crédits que ce soit sur Internet ou dans un livre!

chanteau de chantilly le pont levis

Visite du château de Chantilly, partie 1 : l’esplanade et l’enceinte.

Mots-clefs : Description, Château de Chantilly, 19ème, Architecture

Je passe la herse d’honneur de l’entrée du domaine. La grille noire ouvre sur une large allée de pavés inégaux, entourée de gravillons où deux calèches devaient pouvoir passer de front. Le vent d’hiver souffle dans mon dos et me pique les oreilles. Le chemin de retour sera terrible avec ce vent de face. J’en frissonne à l’avance.

De part et d’autre de l’allée, deux petites bâtisses de pierre blanche  semblent monter la garde. C’est dans celle de gauche qu’il nous faut prendre les tickets (19€ 🙁 ). Je m’attarde pour les observer. Elles sont surmontés de toits qui semblent d’ardoise mais doivent être de métal pour leur couleur vert de gris caractéristique du cuivre oxydé. Leurs moulures ouvragées autour des fenêtres et des portes laissent présager la complexité du château qu’on aperçoit déjà, retranché derrière un bras du lac artificiel.

Pour y accéder, il faut d’abord emprunter une allée de pavées inégaux. Elle monte en pente douce sur plus de 10 mètres – une éternité avec ce vent et l’impatience qui grandit – et conduit jusque sur une vaste esplanade où elle se sépare en fourche partant de droite et de gauche. Mon attention est attirée par la statue d’un cavalier de profil en bronze monté sur un colossal piédestal de granit. L’épée brandie, droite devant lui, il semble charger au pas ou se mettre en ordre de marche. Sans doute est-ce là un des illustres aïeux du Duc d’Aumale, héritier chanceux d’un prince de Condé sans enfant et fils de Louis-Philippe, le dernier roi de France, tombé avec la révolution de 1848. L’aïeul se dirige sus à la voie de gauche : vers l’entrée du château. Je le suis.

On accède au château via un pont-levis abaissé et quelque peu courtaud, qui ne doit pas retenir les brigands bien longtemps. Un muret massif m’empêche de voir les douves en contrebas et de toute façon, les yeux sont irrésistiblement attirés par cette entrée.  Ce n’est pas une simple porte, c’est un bâtiment en elle-même, qui est large comme le fronton du château. Le « rempart » est une série d’arches de trois mètres de haut dont les colonnes sont creusées de niches abritant tantôt des statues inspirées de la mythologie antique, tantôt des amphores noires. Il est possible de circuler tant sous les arches qu’au-dessus, elles forment un chemin gardé d’une balustrade de pierre qui rappelle les balcons à colonnades. Peut-être des gardes ont-ils déjà patrouillé sur ce chemin mais on y imagine plus facilement des belles avec leurs robes à froufrou. Ce rempart creux comme de la dentelle n’a jamais eu à repousser d’ennemis.

Au dessus du pont s’ouvre un portique de mode baroque et grecque à la fois : deux fois deux colonnes encadrent la voute elle-même surplombée d’un clocher de pierre sur lequel est moulé un triangle, tel le fronton de l’acropole. Au centre de ce fronton a été gravé un blason, les armoiries fleur-de-lysées d’une branche cousine de la famille royale. Ce clocher étrange est cerné par quatre lions de pierre. Je baisse les yeux. De part et d’autre du pont sur lequel j’hésite encore à m’engager, ce sont des chiens de bronze qui montent la garde.

Je me détourne du château pour jeter un dernier regard autour de moi, avec cette envie de rester plantée là une heure encore pour décrire l’horizon que dévoile l’esplanade. Le lieu est imprenable, perché sur une douce butte, il est possible de voir à 360°C.  Malheureusement mes doigts commencent à me picoter de froid alors je ferais bref : L’allée de droite redescend vers un bâtiment à trois étages, tout en longueur, très simple de facture, massif, qui doit dater du 19ème au grand maximum et sur lequel fanfaronne gaiement le drapeau français malmené par le vent. Le bâtiment sert de frontière avec les bois, que dis-je, une véritable forêt à perte de vue, dans laquelle s’enfoncent des allées de gravier blanc. Les arbres sont de hautes essences, surement des chênes, des frênes et des peupliers, un peu roussis et dégarnis par l’hiver mais encore feuillus.

A ma droite, dans la continuité de l’allée provenant de la herse d’honneur, deux larges murets à colonnades semblables à la rambarde de balcon encadrent un escalier de géant. La pierre est noircie par le lychen, polie par le temps. L’escalier va en s’élargissant à mesure qu’il descend vers les jardins géométriques. Là-bas c’est le monde de Lenôtre tout d’octogones de pelouses entourés de graviers blancs et rehaussés de lacs à l’eau gris. Le miroir de l’eau est  troublé par les nuages qui s’amoncellent et semblent vouloir semer la nuit alors qu’il n’est pas encore deux heures de l’après-midi. Brr…

Il est temps de franchir la porte pour entrer dans l’enceinte du château. Avant de passer l’arche, je me retourne et m’approche du parapet de ce qui a dû être un pont levis mais qui est figé dans la pierre. L’eau verte et placide des fosses qui entourent le château me renvoie mon regard, loin en bas. Ces douves sont impressionnantes par leur largeur mais surtout par la hauteur des murailles lisses et sans prise du château ou du terre-plein de l’esplanade. Il ne fait pas bon tomber là-dedans, même de nos jours. Le palais a été construit sur les ruines d’une place-forte médiévale, une forteresse laide dont l’unique fonction était la défense. Seuls les plans ont été conservés, un architecte en a fait une œuvre d’art au 16ème siècle. La révolution et ses saccages en ont refait une ruine, qui renaîtra de ses cendres au 19ème.

Je m’avance sous les arches, qui abritent une allée pavée et des escaliers de deux mètres de large au moins. Deux belles en robe à corbeille peuvent se promener là de front. En levant le nez, on aperçoit le dôme de l’arche principale. La pierre est incrustée de moulures florales tandis qu’une lanterne de cuivre pend, énorme.

Je pénètre l’enceinte. Fidèle à ce plan moyenâgeux, je suis entourée de remparts sauf que ceux-ci sont les ailes de ce superbe bâtiment qu’est le château. Le granit blanc des murs est sculptés et dentelés tandis que les toits d’ardoises sont tour à tour arrondis en dômes parfaits ou hérissés de tourelles dignes des contes de fée. A gauche, une flèche de cathédrale part droit vers le ciel. Une rosace de vitrail gothique encadrée de dentelle minérale surmonte la porte de ce qui doit être la chapelle du château. Ou peut-être est-ce une réelle église ?

20160102_135828A ma droite, se dresse une aile plus sobre sans trop de fioritures. De hautes fenêtres sont placées sous des frontons triangulaires à la mode antique et la porte est encadrée de deux colonnes de marbre rose sur lesquelles se reposent deux sphinx. La rampe massive de l’escalier qui mène à la porte est surmontée de deux étranges bêtes : des béliers sans corne dont le corps est une corne d’abondance, vide. A leurs pieds, les pancartes des toilettes : femme pour le sphinx de droite, homme pour le sphinx de gauche. Deux escaliers en courbes mènent vers les sous-bassement, les sanitaires ont été aménagés sous des voutes basses et massives, claustrophobes.

bâtiment de gauche à l'entrée du château de chantillyLe ciel de plomb entrecoupé de filets de lumière rappelle les pavés, nuances de gris irisé. Le vent est moins fort entre les murs de l’enceinte mais il est temps de pénétrer dans le château. J’ai assez traîné et une bruine commence à tomber, fine et agaçante, celle que les bretons refusent d’appeler pluie mais qui vous mouille à la longue aussi surement qu’un seau d’eau. Je me réfugie sous le porche de  l’entrée du château, enfin !

Je lève aussitôt les yeux vers la structure magnanime qui me protège de la pluie. Au-dessus de moi, un dôme parfait est constellé de huit rosaces ouvrant sur des hublots. Le long de la voûte, des têtes de lions mordent dans un anneau de fer comme s’ils luttaient de tenir le plafond au-dessus d’eux. Je m’avance, hésitante vers la haute porte. C’est une dentelle de bois sombre aux reflets rougis. Deux grotesques poissons-monstres me regardent, un peu effrayants quand même mais rien ne m’empêchera de me mettre au chaud. Mes doigts sont gourds à force de gratter des mots maladroits et le papier est humide.

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Voilà! J’ai assez bossé pour ce qui devait être un « petit exercice d’écriture » sic… La suite la semaine prochaine.

Bonne chance à vous dans vos projets!


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Auteur : Ghaan Ima

J’écris depuis 10 ans, j’ai des idées plein la tête d’univers de SFF inspirés de mangas : geeks, otakus, anarchistes sur les bords et un peu barrés.