Pour ce nouveau challenge « une lettre pour un auteur« , nous tombons sur le D, cela tombe bien! Dumas me sert de livre de chevet depuis quelques temps déjà! Au programme, mon avis sur Joseph Balsamo d’Alexandre Dumas mais aussi un aperçu plus large de la plume de l’auteur et de ce que j’en retiens pour devenir écrivain, notamment les techniques de l’écriture en feuilleton.
La chronique du roman, un aperçu du cycle sur la révolution et l’analyse de la méthode d’écriture de ce grand auteur !
- Titre : Joseph Balsamo
- Auteur: Alexandre Dumas
- Poche: 1450 pages
- Editeur : Robert Laffont
- Collection : Classique
Résumé de l’éditeur :
Le 6 mai 1770, le Grand Cophte, Joseph Balsamo, trace le dessein de la société des Illuminés : abattre la monarchie en commençant par la plus fragile, la monarchie française.
On participe avec Althotas, à des scènes de magie et de sacrifices humains ; on compatit à l’amour d’un jeune philosophe en herbe pour la belle et inaccessible Andrée de Taverney ; on suit les intrigues de la Du Barry et du duc de Richelieu, toujours prêt à satisfaire les appétits de luxure de Louis XV ; on assiste à l’accession au trône de Louis XVI et à l’ascension de Marie-Antoinette qui n’a pas la retenue d’une reine quand un cœur enflammé se jette à ses pieds.
Les personnages :
Joseph Balsamo : Semblable à un Comte de Monte-Cristo, héritier du savoir et des élixirs d’un grand alchimiste, Joseph Balsamo paraît trente ans mais prétend avoir des centaines d’années. Il a juré la chute de la royauté et toutes ses actions servent cet objectif. Il est prêt à tout sacrifier à son ambition, même celle qu’il prétend aimer.
Lorenza : Jeune italienne arrachée au couvent, Lorenza est la maîtresse de Balsamo mais aussi sa voyante. Elle le hait autant qu’elle l’aime, lui obéit autant qu’elle le fuit.
Andrée de Taverney : Cette belle noble recluse, est un trésor de vertus. Elle deviendra confidente de la reine Marie-Antoinette, pour son malheur. Sa pureté en fait une cible de choix pour les transes de voyance que lui impose de Joseph Balsamo.
Gilbert : Orphelin qui se veut philosophe, toléré au château de Taverney mais méprisé et à peine plus estimé que le chien. Il est désespérément amoureux d’Andrée mais brûle parfois de haine face au dédain qu’elle lui retourne. C’est le principal héros du roman, un personnage tout en contradiction et chargé de passion.
Philippe de Taverney-Maison Rouge : Jeune homme droit mais impétueux, digne même dans l’adversité. Il porte le nom de sa maison avec fierté malgré leur pauvreté de nobles ruinés. Simple chevalier envoyé comme émissaire au-devant du carrosse de Marie-Antoinette, la dauphine venue d’Autriche, celle-ci le prendra sous sa protection car elle a fait vœux de faire la fortune du premier français qu’elle rencontrerait. Mais se trouver mêler à des intrigues de cour lorsqu’on est un jeune homme venu de la campagne, c’est un honneur empoisonné…
Chon : La femme de main de la comtesse du Barry (la maîtresse de Louis XV). Chon rappelle fortement Milady, femme de caractère, belle et manipulatrice, bonne intrigante, belle et orgueilleuse, elle n’accepte pas que ce chien perdu de Gilbert refuse de se mettre à son service.
Marie-Antoinette, Louis XVI, Louis XV, le cardinal de Rohan, Richelieu, la comptesse du Barry et… Jean-Jacques Rousseau et Marat ! Tous les personnages importants de l’époque de l’adolescence de Louis XVI prennent vie sous la plume de Dumas.
Mon ressenti :
Déjà, sachez qu’Alexandre Dumas n’a rien de commun avec un Balzac, un Hugo ou un Zola. Certes, il a la même richesse stylistique, mais Dumas était un romancier du peuple. Il écrivain en roman feuilleton et maîtrisait le style (je reviendrai la dessus). Avec pour résultat que certes, certaines descriptions sont parfois longues mais l’action n’est jamais loin. De plus, ses personnages sont des passionnés, chargés de volonté, vibrant d’amour, de fierté ou de colère. On ne s’ennuie jamais avec lui et on se prend d’affection pour ses personnages. Mais surtout, on est vite pris par la romance, omniprésente, aussi brûlante du côté des hommes, que des femmes.
C’est aussi un régal de découvrir des personnages historiques revus et corrigés par Alexandre Dumas, qui nous les montrent humains : drôles, dignes ou pathétiques, c’est selon. Rien que pour cette personnification des figures des manuels d’histoire, cela vaut le coup de lire ses romans. Et de pouvoir dialoguer avec Rousseau, manger à sa table… Une révélation !
Après, je dois vous faire une petite mise en garde, le premier chapitre et quelques autres risquent de vous perdre. En effet, on commence avec l’initiation de Joseph Balsamo dans une société secrète qui ressemble à la Franc-Maçonnerie. J’avais beau avoir lu le Collier de la reine avant et savoir que ce n’était pas là l’intrigue principale, ce long passage tout en description et en blabla historique peu être un peu agaçant.
Mais s’il-vous plaît, continuez votre lecture, on découvre très vite les personnages principaux et l’intrigue se mettra en place assez vite. Apprenez à savourer l’ambiance de l’époque, plongez-vous dans cette forêt de montagne, puis dans ce carrosse sous l’orage et enfin dans ce vieux château déshérité où vous rencontrerez tous les protagonistes de l’intrigue.
De même, vous serez parfois agacé de certaines joutes verbales et les dialogues à rallonges mais on s’habitue et on en vient très vite à saluer les traits d’esprit des personnages.
Dernier avertissement, Dumas est très dur avec le personnage de Zamore, un enfant noir, mais ce n’est pas lui qui est dur, c’est son époque. Ayant lui-même un grand-père noir, il a souffert du racisme. Donc ne le haïssez pas, comprenez le sarcasme et le rôle de Zamore qui est de montrer au lecteur les contradictions de Gilbert et la stupidité des courtisans.
Mais au-delà des convictions politiques, et en filigrane toujours, l’intrigue amoureuse, les luttes de pouvoir et de passion. Si vous êtes une fan des vampires alors vous ne pourrez pas rester insensible à la lutte que Lorenza mène contre cette attraction magnétique qu’elle ressent pour l’alchimiste Balsamo. Si vous aimez les personnages amers et fiers, vous bruleraient avec Gilbert du désir d’obliger la belle Andrée à vous regarder. Et tant d’autres histoires… Car un Dumas, c’est une histoire par personnage, il ne réserve pas la force de caractère à un seul héros, il en suit plusieurs (oui, comme Games of Throne 😉
Je n’ai pas encore fini ma lecture (1450 pages !) mais j’aime déjà beaucoup cet opus et je sais que Dumas me promet plein de rebondissements car j’ai déjà lu le tome suivant (ouais, je savais pas…). Je ne regrette qu’une chose avoir lu le Collier de la reine et surtout les notes de bas de page avant… J’en sais beaucoup trop sur l’avenir des personnages… Mais ce que je sais, ce sont des bombes 😉
Installez donc ce petit bijou sur votre tablette et prenez le temps de voir grandir et exploser cette histoire majestueuse !
L’ordre chronologique des romans de cette saga :
Voici l’ordre dans lequel lire ce cycle :
- Joseph Balsamo, mémoires d’un médecin
- Le collier de la reine (lu et adoré)
- Ange Pitou
- La Comtesse de Charny
- Le Chevalier de Maison Rouge
Méfiez-vous avec les classiques ! J’ai lu le Collier de la Reine sans aucune mise en garde dans la préface mais que du spoil ! Si cela vous intéresse de vous plonger dans une saga de plus de trois mille pages, de suivre les histoires d’amour et de rage de personnages pleins d’ambitions, commencez par le début, ne lisez pas les préfaces. En effet, les lettrés imbus de leur savoir ont tendance à considérer que la plume passe avant l’histoire et ils se permettent de tout vous raconter pour faire leur petite analyse inutile.
Ma note :
De toute façon, je suis fan de Dumas alors ma note compte pas, hein ?
Analyse de plume :
Sur le feuilletonisme :
Malgré son époque, Alexandre Dumas a cette force de savoir mêler la description et la narration, ce que des Hugo ou des Balzac maîtrisent bien moins. Il possédait aussi cette connaissance instinctive de la narration qui consiste à présenter un personnage par l’action plutôt que par le discours. Il nous montre Louis XVI pour la première fois en le mettant face à une horloge qui ne fonctionne pas et que le garçon voudra réparer. Il nous introduit Jean du Barry dans une situation ou le comte au caractère sanguin a d’emblée l’envie de mettre la main à l’épée. Il nous présente une Marie-Antoinette confrontée à un sorcier, curieuse, impérative, mais également juste et respectueuse.
Je pense que toutes ces qualités, Dumas les a développées sur le tas car il était un feuilletoniste. Ses romans paraissaient en épisodes dans le journal. Il devait s’adresser à un public très large, plus populaire que pour les ouvrages reliés. De plus, il avait peu de temps pour convaincre et devait toujours finir ses épisodes sur des cliffhangers. Vous savez, ce petit moment de suspense, ce point d’interrogation suivi de trois points de suspension qui nous font retenir notre souffle.
Il usait de suspense dans l’action et dans l’intrigue amoureuse. Et comme à l’époque, il avait le droit de prendre son temps pour poser le scénario, il nous construit des trames toujours captivantes mais entremêlées qui finissent par prendre les personnages au piège.
La force de Dumas, c’est donc le feuilleton. Si vous écrivez sur internet en épisode, sa plume pourrait fort vous intéresser car vous êtes ce qu’une amie Béatrice Aubeterre appelle des « Webfeuilletonistes », voir son article ici.
Sur la méthode de travail pour les romances historiques :
Alexandre Dumas avait un nègre : Macquet. Son collaborateur était historien, il faisait des recherches incroyables, dans les correspondances de l’époque, les documents officiels. Chaque travail de roman commençait donc par l’accumulation d’une foule de détails qui permettaient de poser l’univers et le caractère des personnages.
Alors bien sûr, par la suite, Dumas, se permettait des incartades avec l’histoire, interprétant certains faits à sa façon, faisant intriguer dans l’ombre des personnages de son cru pour aboutir aux mêmes résultats historiques, que ce qui était sans doute juste le fruit du hasard.
Je ne peux malheureusement pas vous dire à quoi ressemblaient les fiches univers de Dumas/Macquet ou leurs fiches personnages. Je pense que Dumas faisait plus de l’imprégnation, se documentant encore et encore (ou lisant la documentation de Macquet), s’imprégnant de l’époque et des passions. Puis il se lançait sur la trame historique que lui avait créée Macquet et l’enrichissait, la twistait pour intégrer les intrigues et les détours.
Sur le style :
Amis écrivains, si vous voulez faire grandir votre plume et hésitez encore à vous mettre à lire des classiques, Dumas est pour vous. Il faut bien moins de temps pour apprendre à apprécier Dumas qu’il n’en faut pour apprécier un Hugo. Si vous n’avez jamais lu de Dumas, je vous conseillerais toutefois de commencer par les trois mousquetaires, plus accessible. Puis de passer à d’autres.
Pourquoi lire Dumas ? Contrairement à de nombreux écrivains actuels, Dumas savait nommer les choses, décrire des visages, des sentiments ou des combats à l’épée. On croit que les descriptions, c’est le mal… non, les descriptions bien faites, courtes et efficaces, c’est l’âme d’un livre! La seule porte d’entrée vers l’immersion dans un autre monde. Bref, si vous souhaitez enrichir votre vocabulaire et vos tournures de phrases, surtout si vous écrivez de l’historique ou même de l’héroic fantasy, lisez-le. Et si vous avez prévu des combats à l’épée, privilégiez « Les trois mousquetaires » ou « La reine Margot » et « La dame de Monsoreau ».
Faites toutefois attention à l’éditeur que vous lirez. En effet, pour être aussi productif et endurer les dead lines courtes de la publication dans les journaux, Môsieur avait coutume de ne pas se relire. Ainsi, ses manuscrits étaient envoyés tel quel puis raturés et finalisés par les directeurs de rubrique. De nos jours, les éditeurs repartent de ses manuscrits qu’ils nettoient et annotent. De plus, des maisons peu scrupuleuse publient Dumas mais la reliure laisse à désirer et le livre bien que neuf, tombera en miettes dans vos mains (euh… vu la taille, kindle c’est bien aussi 😉 Un Robert Laffont ou un Gallimard est préférable.
Bref, Dumas avait un esclave en amont (Macquet) et un esclave en aval (son éditeur). Pas étonnant qu’il ait autant produit en ne se concentrant que sur le plus important : l’histoire.
Dumas, mon héros…
Présentation de l’auteur
Chacun sait qu’Alexandre Dumas était un peu « mulâtre » à une époque où le métissage n’était pas bien vu. Il restait cependant un petit bourgeois, fils d’un général mort trop tôt. Je ne vous mettrais pas ici de biographie trouvée sur Internet, l’article Wikipédia est là.
Je voulais juste partager avec vous une réflexion de la préface de ce roman. Dumas s’est inspiré de lui-même pour le personnage de Gilbert, voici la scène entre Gilbert et Balsamo qui vous fera comprendre quel jeune homme frustré était Alexandre :
« – Avez-vous étudié quelque chose ?
– Rien. Comment voulez-vous que j’étudie n’étant pas riche et habitant Taverney ?
– Comment vous ne savez pas un peu de mathématiques ?
– Non.
– De physique ?
– Non.
– De chimie ?
– Non. Je sais lire et écrire, voilà tout ; mais je saurai tout cela.
– Quand ?
– Un jour.
– Par quel moyen ?
– Je l’ignore ; mais je saurai. »
Voilà qui était Dumas. Jeune homme dont l’éducation a été laissée à l’abandon, frustré de ne rien savoir et au fond duquel brillait une flamme assoiffée de culture et de montrer au monde sa valeur.
Voilà donc ce qui caractérise cet écrivain de génie, l’ambition et le travail. A bon entendeur, salut !
Et toujours, bonne chance à vous dans vos projets !
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